Bonjour
à tous (si tant est que vous soyez plus que un) ! En ce moment, je
suis en permanence confronté à la situation suivante : je peux aller voir
soit Moonlight, qui a reçu l’oscar du meilleur film cette année, ou un
autre truc, parfois un peu cheulou. Et pour une raison qui m’échappe, je me
retrouve toujours à ne pas pouvoir aller voir Moonlight. Mais j’ai
confiance, j’y arriverai un jour, j’y arriverai !
Vous
vous doutez bien que si je vous raconte ça, c’est parce que je n’ai une fois de
plus pas pu aller voir le fameux Moonlight. Et si vous êtes un minimum
curieux – ou si vous avez vraiment du temps à perdre –, vous vous demandez ce
que je suis allé voir. Et bien la réponse se trouve… dans le titre en fait. Je
suis allé voir Chez Nous, réalisé par Lucas Belvaux, avec Emilie
Dequenne, André Dussolier et Guillaume Gouix. Accrochez-vous un peu, car le
sujet est pas jouasse.
De quoi que ça parle-t-il donc ?
Nous suivons dans ce film l’histoire de
Pauline, une infirmière mère célibataire de deux enfants, dans une petite ville
du Nord Pas de Calais – car je refuse d’appeler ma chère région natale
« Hauts de France » - située entre Lens et Lille. Elle vit une vie assez
simple, s’occupe de ses enfants, de son père, de ses patients.
Jusqu’au
jour où le médecin local lui propose de rejoindre un parti politique pour être
candidat à la mairie. Le parti en question est un parti assez nouveau qui se
revendique populaire, voulant détrôner les élites du gouvernement en place
depuis des années, corrompues et ne travaillant que pour leur propre bénéfice.
Le parti propose ainsi de rendre le pouvoir au peuple français, et se nomme le
RNP, pour Rassemblement National Populaire. Et retenez bien ce nom, car je vais
totalement arrêter de l’utiliser durant le reste de la chronique pour lui
donner son vrai nom : FN pour Front National.
Non non, ce n'est pas l'affiche de The Voice. |
Car
ne nous leurrons pas, ici, on veut nous parler de la montée du FN dans les
régions assez défavorisée de France. Mais, histoire de ne pas se faire accuser
de calomnies ou autres, le réalisateur a décidé de renommer le parti et toutes
ses têtes. Nous avons donc une contrefaçon belge du FN, une contrefaçon belge
de Marine Lepen en la personne d’Agnès Dorgelle, et même une contrefaçon belge
de Florian Philippot avec un type… dont on ne connait jamais le nom.
Mais
passons là-dessus et revenons au film. Après pas mal de réflexions – car le FN
a quand même une belle réputation de partie nationalo-raciste – elle finit par
accepter de rejoindre la liste du parti. Elle va au contact des gens, et se
rend compte que beaucoup de personnes voient d’un bon œil la montée de ce parti
qui n’a jamais eu le pouvoir. Un vent de nouveauté en gros.
Mais
ça se gâte très vite : notre chère Pauline est depuis peu en couple avec
Stéphane Stankowiak, dit Stanko. Et le problème, c’est que ce mec là, c’est un
vieux de la vieille du parti. Comprenez par là que c’est un gars qui y était
déjà lorsque le parti était une enclave néo nazie avérée, et qu’il a
probablement participé à toutes les ratonnades de l’époque. Et encore
maintenant, il s’y livre un coup de temps en temps sur les migrants, et il
possède une petite bande de pote tout à fait avenante et accueillante, vous
souhaitant la bienvenue à coups de matraque ou de flash ball.
Et
cela pose de gros problèmes au FN : leur tête de liste qui sort avec un
néo nazi, ça la fout mal. Surtout que ce néo nazi est passablement
incontrôlable, et n’hésite pas à envoyer ses gorilles pour protéger sa copine.
Ce qui aboutit au passage à tabac de quatre jeunes dont le seul crime et
d’avoir tagué la voiture de Pauline.
Mais
Pauline, qu’en pense-t-elle ? Et bien au début elle est toute contente,
elle a l’impression qu’elle va changer les choses. Sauf que de prise de
conscience en discussion avec ses proches, elle se rend compte… qu’on la prend
pour une conne. En effet, elle est tête de liste d’un parti sans avoir pu même
jeter le moindre regard au programme. Elle est suivie en permanence par le
« service de protection » du parti – comprendre que c’est comme une
milice, mais les gorilles sont en costard, c’est plus classe – et on ne lui
laisse le choix sur pratiquement rien. Cerise sur le clafoutis, elle se
retrouve incapable de voir son amoureux.
Elle
finit par renoncer à l’élection, non sans apprendre au passage le passé trouble
de son amoureux. Dégoutée, elle décide cependant de faire confiance à Stanko
qui lui promet que tout cela est derrière lui, et elle se retire de l’élection
Mais ne vous inquiétez pas, elle est promptement remplacée par une amie à elle
et fervente militante pour le FN – comprenez par là que son fils alimente un
blog de désinformation islamophobe dans lequel il parle de grand remplacement
et des maladies nouvelles que les migrants ramènent, mais que elle, elle trouve
ça trop cool.
Mais alors, quoiqu’il faut retenir de ce flim ?
Alors,
par où commencer… Je vais débuter par les bons points du film avant de parler
de ce qui me dérange foncièrement dans ce qui est raconté. De façon générale,
la forme est excellente mais le fond pèche sur certains points. Mais je vais
vous expliquer ça.
Ils sont pas vachement bien fais, sans déconner? |
Sur
la forme, je dois reconnaître que le film est tout de même de bonne qualité. Il
n’y a pas trop de longueur, il se dégage une ambiance assez agréable – en
comparaison avec d’autres films traitant de sujet politiques, comme par exemple
Welcome, film sur les migrants à Calais, sorti en 2009, qui était lourd
et déprimant de bout en bout – qui permet de profiter agréablement de sa séance
de cinéma. Les acteurs sont très justes, et le visage angélique d’Emilie Dequenne
rend le personnage de Pauline immédiatement attachant et criant de vérité. Son
humanité et sa volonté de bien faire irradient de l’écran et nous rendent la
foi en l’Homme que nous pourrions avoir perdu. André Dussolier joue aussi très
bien le médecin à la façade débonnaire mais au cœur ambitieux et rongé par
l’appât du pouvoir. Seul petit bémol, je trouve Guillaume Gouix un peu un
dessous du reste, avec un jeu assez lisse et manquant de colère, de rage, alors
que c’est exactement ce qui définit le personnage. Mais c’est de l’ordre du
détail, sa performance est plus que bonne.
Là
où ça se gâte un peu, c’est lorsqu’on s’approche du fond. Personnellement, je
voulais aller voir ce film car la promo a été faite autour de lui en se basant
sur le fait qu’il cherchait à expliquer la montée du FN dans les milieux
populaires. Je m’attendais à une vraie réflexion sur la situation précaire des
régions défavorisées, la montée du chômage, la raison des montées
nationalistes, leur origine. Et malheureusement seule la première moitié du
film est comme ça.
En
effet, le début est très bien orchestré puisqu’on suit la réflexion de Pauline
en même temps qu’elle se forme, lorsqu’elle voit ces hommes et ces femmes en
pleine difficultés. Accablée par tout cela, elle se laisse séduire par les
propos du médecin militant FN, ou même de Marine Lepen, qui lui promettent tous
deux de changer les choses véritablement. Avec comme point d’orge le meeting
auquel elle assiste, qui est d’ailleurs un moment qui m’a été assez difficile à
regarder – je suis profondément allergique à tous discours identitaire, leur
logique m’échappe totalement.
Et
une fois que c’est passé, on tombe dans les travers habituels et les scénarios
à base de néo nazi et de passé trouble. Et c’est exactement ça qui rend le film
totalement inutile : il ne fera jamais changer personne d’avis. Il est
beaucoup trop invraisemblable. Imaginez-vous : ils vont tellement loin
dans leur délire de milice néo nazi que même moi, fervent opposant au FN et
toutes ses ramifications, je n’y ai pas cru une seule seconde. Alors oui, j’ai
conscience que les milices néo nazi font parti des supporters du FN. Mais ce ne
sont pas les seuls, il y a aussi des citoyens comme les autres, simplement
fatigués de notre gouvernement, déçus par les promesses qu’on leur a vendu sans
jamais les voir se réaliser. Et ces personnes là ne peuvent pas se reconnaître
dans ce que raconte le long métrage.
Je vous jure que cette scène, pendant le film, c'est le malaise incarné.... |
Pire
encore, le film utilise pour dénoncer le FN exactement les mêmes ficelles
utilisées par ce parti pour parler de l’islam. Ficelles qui lui sont en plus
reprochées dans le film en plus. On en arrive à un point qu’un certain
nombre de critiques effectuées à l’encontre du FN peuvent être faites au film
quasi à l’identique. Par exemple : il est reproché au FN de parler des
musulmans uniquement en parlant de djihadiste, d’islamistes, de terroristes,
c’est à une dire une minorité. Mais le film lui-même parle du FN uniquement à
travers les néo nazi ou anciens néo nazis, qui ne forment plus une majorité des
militants. Le film reproche au FN d’être exactement comme le gouvernement, des
gens issus de leur tour d’ivoire parisienne qui prétendent imposer leur vision
aux ruraux. Mais le film est-il lui-même si différent que ça ? Car ses
acteurs, son réalisateur ne sont-ils pas eux-mêmes des parisiens à la notoriété
suffisamment grande pour ne pas comprendre les gens qu’ils filment ?
Bref,
le film perd énormément de son message à cause de certains de ses choix, ce qui
est dommage en ces temps d’élections. Pour autant, je ne pense pas qu’il ait
voulu surfer sur cette mode pour faire du chiffre, j’ai plus l’impression que
le réalisateur a vraiment voulu nous proposer une vraie réflexion mais qu’il s’est
perdu en chemin dans sa vision du FN, sans doute un peu obsolète. Dommage, car son
film perd une grande partie de l’intérêt qu’il pourrait avoir. Mais si le sujet
vous intéresse, je pense que des livres comme La France sous marine ou
même la bande dessinée La Présidente sont autrement plus intéressants et
mettent bien plus en valeurs les dangers du FN.
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