lundi 31 octobre 2016

Nerve



Ho ho ho. Et non, ce n’est pas Noël, c’est simplement l’heure d’une nouvelle chronique. Et je vous avoue que là comme ça, tel que vous me voyez derrière mon clavier, je suis passablement guilleret. Gai comme pinson, plus jaune qu’un citron, et remonté comme une pendule. Tout ça. Parce qu’aujourd’hui, je vais vous parler du film Nerve, de Ariel Schulman et Henry Jost, deux réalisateurs ayant travaillé notamment sur Paranormal Activity 3 et 4 (des films pour lesquels je n’ai… aucun avis)  et avec en personnages principaux la très mignonne Emma Roberts et le non moins mignon Dave Franco. Et j’aime autant vous dire que ça va swinguer.

De quoi que ça parle-t-il donc ?
Nerve nous parle d’une jeune lycéenne, Venus, alias Vee, un peu coincée et vivant seule avec sa mère suite à la mort de son frère. Elle aimerait beaucoup sortir du cocon familial mais est incapable de l’avouer à sa bien aimée génitrice. Faut dire que la demoiselle manque de balls. Bon okay, c’est normal, c’est une fille, mais appelons ça des Psycho Balls si vous le voulez bien. Bref, elle manque de Psycho Balls, et on le voit bien vite quand on fait la rencontre de sa meilleure amie, Syd, une jeune femme exubérante, clamant haut et fort n’avoir peur de rien.
FUCK YEAH!! DES NÉONS!
                Et elle le prouve, puisqu’elle participe au jeu Nerve : un jeu underground dans lequel les gens peuvent s’inscrire dans l’une des deux catégories : les Watchers (ou Voyeurs en français, mais j’ai toujours préféré Shakespeare à Molière. Ce qui me vaudra surement d’être renvoyé dans mon pays lorsque Marine Lepen passera présidente) et les Players. Les seconds sont mis au défi par les premiers de réaliser des challenges un peu loufoques et ballsy (oui cette chronique sera sous le signe du testicule) contre une somme d’argent qui augmente au fur et à mesure de l’intensité du défi. L’objectif : aller toujours plus loin pour gagner toujours plus d’argent, et finir en finale. Pourquoi ? Je vous avoue que j’ai pas compris car le film arrête assez rapidement de parler de la finalité de la chose pour mettre en avant le côté bling bling et célébrité de ce jeu, qui donne à des jeunes une notoriété express dont ils rêvent pour se différencier de la masse.
                Et notre amie Vee, bah elle hésite un peu. Car elle a rudement besoin d’argent pour aller étudier dans sa prestigieuse école d’art de l’autre bout des USA. Et elle a aussi besoin de Psycho Boules (petite pensée pour l’Académie Française, que j’entends d’ici se frapper le front d’indignation) pour avouer à sa môman qu’elle voudrait faire ça. Et quelque part dans le fond de sa tête, elle se dit que Nerve pourrait bien l’aider à obtenir ces deux choses. Donc elle craque, et se lance. Elle rencontre rapidement Ian, un autre joueur de Nerve, et les Watchers s’intéressent beaucoup à notre petit couple de fortune en les mettant sciemment sur la route l’un de l’autre et en les défiant d’aller toujours plus loin dans les défis, mais ensemble.
                Au début c’est assez excitant, et assez rigolo, d’autant que Vee se découvre en même temps que nous une ENORME paire de Cérébro-Testicules, en faisant des trucs de fou. Seulement cela tourne vite au cauchemar, et Vee se retrouve, malgré elle, piégée dans le jeu. Elle n’a donc plus qu’un seul choix : détruire le jeu de l’intérieur, ou en rester prisonnière à jamais.

Et je m’arrête là sur la description des événements du film, car c’est avant tout un film qui se voit. Je pourrais vous détailler les défis réalisés, mais cela n’a pas vraiment de sens, en plus de vous gâcher la surprise. Je vais juste vous dire rapidement comment elle parvient à détruire le jeu : en étant tuée en direct, pendant que ses amis reprogramment le jeu (possible car il est Open Source) pour qu’il dévoile les adresses IP et identité de tous les Watchers, tout en les accusant d’être les complices d’un meurtre. Ce qui est d’ailleurs absolument véridique. Ainsi notre héroïne prouve au monde que franchement, elle en avait dans le pantalon. Enfin, dans le Psycho-Pantalon.

J’ajouterai aussi que Messieurs Schulman et Jost sont sans doute de grands fétichistes du néon. Il y en a absolument partout, c’est incroyable. J’imagine tout à fait les accessoiristes :
-          Mec, on a reçu le matos commandé par les réal’.
-          Ah super, alors on a quoi ?
-          Des néons.
-          Comment ça des néons ?
-          Bah, des néons. Des bleus, des rouges, des blancs, des petits, des grands…
-          Non mais merci, je sais que ce que c’est un néon ! Mais on a quoi d’autre ?
-          Ah bah rien. Juste des néons.
-          Ah. Bon bah, fais péter. Ils veulent du néon, on va leur en donner, c’est moi qui te le dis mon petit Roger !
(oui l’accessoiriste s’appelle Roger. Je ne sais pas pourquoi, ça me parle un accessoiriste qui s’appelle
Roger.)

Mais alors, quoiqu’il faut retenir de ce flim ?
                Pour vous parler de ce que j’ai retenu et qui m’a vraiment plu, il faut d’abord que je vous parle des deux choses que j’anticipais avant d’aller voir le film.
                La première chose à laquelle je m’attendais, et dont j’avais peur, c’est d’un film un peu nanard écrit par des vieux pour des jeunes. Ou plutôt pour l’idée qu’ils se font des jeunes. Donc des jeunes à capuches pseudo rebelles, qui passent leur vie à envoyer des SMS et à discuter sur Facebook. Et là… bon okay on a un peu ça, mais pas à outrance. En fait on a plutôt l’impression qu’ils traitent les ados avec bienveillance, en les considérant non pas comme des jeunes, mais comme des jeunes adultes (notez le petit mot supplémentaire qui fait toute la différence. Langue française, sublime que tu es –Marine, si tu m’entends, ne m’expulse pas…). Oui nous avons des ados parfois un peu paumé, un peu révolté, mais pas par pure esprit de contradiction mais bien parce qu’ils veulent trouver une place dans la société, une place qui leur sera propre.
Cette image cache une TRÈS mauvaise blague
                Et tout ça passe par des éléments de mises en scène qui, je dois l’avouer, m’ont assez bluffé, avec beaucoup d’effets rappelant les messageries instantanées, obéissant aux codes d’internet et de l’ergonomie, et qui m’a d’ailleurs fait me poser une petite question concernant les placements produits : à quel moment le placement de produit devient une façon d’ancrer son univers ? En effet, la scène d’ouverture du film, c’est Vee qui ouvre son mac, ouvre Safari, Gmail, Skype, Instagram, Flickr, etc… Bref, au début je me suis amusé à compter les placements produits. Et arrivé au-delà de 8, je me suis dit que finalement, ça se voyait beaucoup quand même. Et puis en y repensant, je me dis que le but n’était sans doute pas de gagner un peu de thune, d’autant que tout le reste du film en est totalement vierge. Pourtant y’avait moyen : il y a quand même tout un bon quart d’heure du film pendant laquelle Vee et Ian font du shopping dans un grand magasin. Franchement, placer un petit Gucci, ou un petit Louis Vuitton, c’était hyper simple. Bah même pas. Ma petite âme de consumériste s’en retrouve toute déçue… En revanche mon esprit de cinéphile apprécie vachement qu’on ne le prenne pas pour une vache à lait.
                Du coup je passe du coq à l’âne (ouais après les couilles, la ferme) pour vous parler de la mise en scène. Putain ça claque. Excusez-moi pour la grossièreté, mais nom de Dieu ! J’ai vécu ce film comme rarement et c’est intégralement à cause de la mise en scène. Les scènes sont presque toujours filmées soit par les téléphones des Watchers, soit par celui de nos Players pour une immersion totale, et le reste du film est totalement survolté, à tel point qu’on se rend compte avec difficulté qu’en fait tous les événements à l’écran se déroulent sur une seule journée. La mise en scène était tellement prenante que, sur la vie de Zach Braff, certaines scènes m’ont laissé tout transpirant. A titre d’exemple, l’un des défis consiste à traverser l’espace entre deux immeubles sur une échelle posée à l’horizontale (au 6eme étage bien sur, on n’est pas des pédés). Nous voyons cette scène deux fois : la première fois du point de vue d’un des personnages qui échoue, et la seconde du point de vue d’un personnage qui réussit. Et nondidju, j’ai vécu ces scènes comme jamais. J’ai tellement vécu ces scènes que j’ai à peine remarqué ma voisine de cinéma, au demeurant pourtant charmante, essayait de me broyer la main et le bras pour se persuader que non, elle ne risquait rien. Oui mesdames et messieurs, j’ai complètement ignoré une plantureuse poitrine féminine pourtant collée à mon biceps saillant (oui je fais un peu de sport entre deux débats philosophiques) pour me concentrer exclusivement sur les images qu’il y avait sous mes yeux. Et ça, c’est quand même une performance qui mérite que je lui tire mon chapeau. Car je porte le chapeau. Je trouve que ça me va bien.
                Mais revenons à nos moutons (et une autre transition agricole, une !) ou plutôt à notre film. Qu’attendais-je d’autre ? Et bien quand j’en ai lu le synopsis, j’y ai tout de suite vu le potentiel d’une super critique sur notre besoin permanent de spectacle, et sur le côté spectateur de notre société (on pense notamment à ces gens qui filment un accident au lieu d’appeler des secours). Je le dis : je n’ai pas été déçu, et c’est une formidable critique de tout ce que Youtube a pu créer de pire dans notre société. Et pourtant j’adore Youtube.
                Donc si on résume, sont dénoncés dans ce film : le besoin viscéral d’attention et de célébrité mais éphémère des Players, la recherche malsaine de spectacle, la puissance de l’anonymat d’internet qui pousse parfois à commettre des atrocités, la pression des pairs, l’effet de foule, cette pseudo segmentation des gens entre les Players, ceux qui agissent et prennent leur vie en main, et les Watchers, ceux qui préfèrent regarder les autres faire. Et là y’a un paquet de choses à dire.
Cadeau pour vous, mesdames (ou messieurs d'ailleurs)
                Déjà, toute la partie recherche d’attention, de célébrité, le besoin de spectacle, tout ça est représenté de façon très malsaine, et un peu de recul suffit à se rendre compte que tout ça est hyper flippant, même si les personnages ont l’air de trouver ça cool. Et c’est ça en fait qui rend le message puissant : tout a l’air cool. Tout a une image vraiment jeune, vraiment moderne, dynamique. L’esthétique est hyper flashy, hyper funky, mais ce qu’on nous montre est à la limite de l’inhumain. Oui car il faut pas oublier que ce sont une bande de mecs derrière leurs téléphones qui font faire des conneries à d’autres gens, mettant leur vie en danger, contre quelques dollars. Moi la dernière fois que j’ai vu ça, c’était dans des arènes de gladiateurs.
                Et d’ailleurs BIM !! transition : en parlant d’arène, la finale de Nerve se tient dans une arène, et est censé être un duel à mort. Sauf que Vee et Ian, se retrouvant l’un en face de l’autre, refusent de participer. Surgit alors un autre finaliste, imprévu au programme, qui lui chauffe la salle comme jamais pour avoir le droit de tuer Vee. Et vous savez ce qu’ils font ? Bah ils votent. Ils votent pour mettre à mort notre héroïne. Et devant nos yeux ébahis, on voit des gars, qui pourtant la connaissent, voter pour qu’elle se fasse exécuter sous leurs yeux. Et le « oui » l’emporte en plus ! On parle de plusieurs milliers de personnes, dont des enfants et des parents, qui votent pour mettre à mort une lycéenne au milieu d’une arène !
                Et finalement, ce genre de truc n’est pas très différents de ces types sur internet qui n’ont pour unique passe temps de descendre bêtement tout ce qui passe sur la Toile. Ces mecs qui poussent parfois des jeunes fragiles psychologiquement à la dépression. Ces mecs « cools » qui prennent un gars au hasard dans le lycée comme tête de turc et s’acharnent sur lui comme une meute de hyène sur une carcasse. C’est juste le même esprit poussé à l’extrême. Le même qui pousse des manifestants à affronter des CRS, des CRS à cogner sur des manifestants. Un simple effet de groupe mélangé à de l’adrénaline. Et lorsqu’apparaît sur l’écran des téléphones des Watchers et sur celui du cinéma « Félicitations, vous êtes complice d’un meurtre », ce n’est pas seulement les Watchers qui sont interpelés, mais aussi nous autres spectateurs.
                Ce qui m’amène à un dernier point : la différence entre Players et Watchers. Tout le film nous rabâche que les Players sont les personnes au cœur de l’action, de courageux casse-cou qui n’ont peur de rien, alors que les Watchers ne sont que des passifs restant bien tranquille chez eux. Sauf que c’est faux. Le film nous ment. Bouh ! Vilain film. Et oui, car tous ces défis, ce sont bien les Watchers qui les proposent. Qui a permis à Vee de rencontrer Ian ? Les Watchers. Qui a fait risquer sa vie à Vee ? Les Watchers. Qui a cherché à faire perdre totalement toute confiance en elle à Syd, la meilleure amie de Vee, en lui donnant comme défi une chose qu’elle est viscéralement incapable de faire ? Les Watchers.

Qui a voté pour que Vee soit exécutée devant leur écran ? Les Watchers.

Et il est là le nœud du message, mesdames et messieurs. Vous autres, Watchers, qui êtes sagement à l’abri derrière votre écran et votre anonymat, êtes aussi acteurs dans ce monde que les Players. Vos inactions devant le crime vous rend aussi coupable que son auteur. Vous êtes aussi les acteurs de vos vies. Il vous faut prendre vos responsabilités ainsi que la mesure de vos actes. Donc levez-vous, militez pour un monde meilleur, allez aider votre prochains, écrivez des chroniques sur un sujet qui vous passionne, bref, contribuez, vous aussi, à rendre ce monde plus joyeux, plus lumineux qu’il ne l’était hier.

dimanche 30 octobre 2016

Free State of Jones




Bien le bonjour, infortunés lecteurs.

Vous devez déjà vous en douter (car vous avez lu le titre), mais vous entrez dans la rubrique Cinéophyte, une rubrique dans laquelle un amateur patenté va vous parler de cinéma et de ce qu’il en pense. Cet amateur patenté, c’est moi-même, Dahrkan – Dahrky pour les intimes- et je vais partager avec vous mon cheminement de pensée concernant des films que j’ai trouvé dignes d’intérêt.
Aujourd’hui, nous nous intéresserons au dernier film que je suis allé voir, et qui m’a beaucoup plu malgré quelques défauts, le tout récent  Free State of Jones, réalisé par Gary Ross, et avec en rôle principal Matthew McConaughey (et je suis bien content que cette chronique ne soit pas orale !).

Plongez votre regard dans celui d'un vrai BONHOMME

Vous ne connaissez pas encore le format, donc je vais vous en parler un peu : histoire que tout le monde sache de quoi on parle, je commencerai toujours par vous faire un rapide résumé du film. Selon ce dont j’ai besoin dans ma critique, il sera soit plutôt exhaustif, soit très court si je n’ai pas envie de vous spoiler la fin. Bref, je laisse libre court à ma fantaisie quoi.
Dans un deuxième temps, je vais essayer de m’adonner à une petite analyse du film, pour vous transmettre ce que j’en ai retenu et ce qui représente selon moi sa réussite ou son échec. Ou plus simplement le message qu’il essaye de nous faire passer, ses intentions secrètes.  
Ce qui m’amène d’ailleurs à me pencher sur un premier point important qui risque d’animer toutes ces chroniques, et qui bien sur n’engage que moi : en bon amateur que je suis, j’estime tout de même qu’il n’existe aucun film qui ne serve pas un but spécifique. J’admets volontiers que ce but puisse être simplement de raconter une histoire, et je le respecte totalement. Cela peut être un but plus noble, comme informer sur une cause spécifique, ou simplement remettre en question les codes sociaux ou cinématographiques en vigueur. Et la question que je me pose en permanence lorsque je regarde un film est la suivante : « qu’est-ce que le film essaye de me dire, de me faire comprendre ? ». Je vais essayer de répondre, avec vous, à cette question. 
Bien évidemment, je ne prétendrai pas être un expert en la matière, aussi tous mes avis et toutes mes opinions sont sujets à débat. Il va de soi que je n’ai pas la science infuse, et que mes interprétations peuvent aller beaucoup trop loin, ou pas assez. Ou dans la mauvaise direction. Dans tous les cas, si je vous ai fait réfléchir un peu, j’estimerai que le contrat est rempli !

De quoi que ça parle-t-il donc ?
Free State of Jones raconte l’histoire de Newton Knight, ancien maréchal ferrant et enrôlé en tant qu’infirmer par les Confédérés durant la guerre de Sécession. Il est originaire du comté de Jones, dans le Mississipi. Seulement cette situation ne dure pas, puisqu’il déserte l’armée pour ramener chez lui le cadavre de son neveu, enrôlé contre son gré. De retour chez lui, il constate que l’armée, au lieu de prélever les 10% réglementaires dans les récoltes de la population, a plutôt tendance à leur laisser 10% (c’est pas moi qui le dis, ce sont les personnages !). Révolté (car M. Knight est un homme révolté, s’il vivait encore de nos jours, ils porteraient sans doute le mouvement Nuit Debout tout seul, en allant mettre des coups de boules à Manuel Valls), il défie ouvertement l’autorité en empêchant les soldats de rançonner, une fois de plus, ses voisins. Obligé de fuir, il finit par se réfugier dans les marais, où il fait la rencontre de plusieurs esclaves noirs, en fuite, eux aussi. Il les rejoint notamment grâce à l’aide de Rachel, une esclave qu’il avait rencontré auparavant, possédée par un cotonnier richissime. Elle-même leur fait autant que possible parvenir des vivres et des outils.
                Mais la menace des chasseurs d’esclaves pèse toujours sur eux, aussi Newton décide d’apprendre à ses camarades le maniement du fusil. Lorsque les chasseurs les retrouvent, ils leur tendent une embuscade et les abattent. Galvanisés par l’injustice qu’est la guerre de Sécession, cette guerre menée par les pauvres pour que les riches restent riches (là encore, c’est pas moi qui le dit, c’est lui, un vrai bobo gauchiste avant l’heure), il décide d’aider les habitants à reprendre ce qui leur appartient. De plus en plus de déserteurs de la région rejoignent sa petite colonie dans les marais, qui prend des airs de village au sein de la forêt. Un peu comme un délire de hippie, mais sans le côté Marie Jeanne, uniquement avec le côté dégueu. Oui parce que bon, c’est un marais quoi.
 A l’abri d’une attaque d’ampleur grâce à la végétation (comme quoi, les écolos avaient raison), les autorités militaires locales, qui ne parviennent plus à rassembler les vivres demandés par leur état major, ne peuvent que subir les attaques de cette bande de Robin des Bois américains (ça c’est moi qui le dit en revanche). Le colonel en charge de ce comté décide d’appâter les rebelles en proposant un pardon et une absolution totale à ceux qui se rendront.  Malheureusement, seuls quatre personnes (un vieux et trois mômes) répondront à cet appel, alors que notre bon colonel s’attendait à les voir débarquer en masse. Furieux, il fait pendre manu militari les quatre prisonniers. Ce qui est quand même un peu raide, vous en conviendrez. 
Oh oui tu vas la sentir ma révolte
                Mais Newton ne l’entend pas de cette oreille. Profitant du fait que le colonel l’attende de pied ferme à l’enterrement des jeunes garçons pendus, lui et ses hommes se cachent aux abords de l’église et dans les cercueils pour prendre par surprise la garnison. Désorganisée, attaquée de toute part, la petite force Confédérée est rapidement mise en fuite, et le colonel tué. La révolte prend comme un feu de forêt et bientôt, le comté entier passe sous le contrôle des hommes de Newton Knight. Il sait néanmoins qu’un tel acte de rébellion ne restera pas impuni, et il demande le secours de l’Union, ennemi des confédérés. Malheureusement, il ne reçoit que bien peu de ressources. Les villes sont indéfendables car trop facilement prenables par la cavalerie : ils doivent retourner dans le marais. Une partie des hommes, les plus jeunes, décident de partir vers le Nord pour chercher une nouvelle vie. Peu nombreux mais toujours aussi déterminés, Newton Knight et ses fidèles déclarent la création de l’Etat Libre de Jones, aux préceptes égalitaires et libertaires, avant de repartir avec le restant de ses forces dans les marais.
                Mais il n’y aura nul combat : la fin de la guerre de sécession est déclarée, et la Constitution américaine signée. Lincoln en profite pour abolir l’esclavage. L’avenir semble radieux pour les anciens esclaves de l’Etat Libre de Jones.
                Sauf que non. Car le président suivant révoque en partie les droits donnés aux anciens esclaves (notamment les terres qu’on leur a cédées) et les lois ségrégationnistes voient le jour dans l’état du Mississipi, tout comme le Ku Klux Klan. Newton voit ses amis noirs mourir ou se faire lyncher les uns après les autres, mais jamais n’abandonnera son foyer, ni la famille qu’il a fondé avec Rachel. Le film se clôture sur plusieurs données historiques, comme le nombre de noirs persécutés durant cette époque. 


Mais alors, quoiqu’il faut retenir de ce flim ?
                La première chose qui m’a marqué au fur et à mesure du film, c’est que, contre toute attente, il fait preuve de beaucoup de subtilité. Plusieurs choses m’ont marqué en ce sens, et presque toutes ont pour lien commun le personnage de Rachel. Je vais vous donner un exemple typique : Rachel est, au début du film, régulièrement abusée sexuellement par son propriétaire, M. Ekins (je crois que c’est ça son nom). Mais le film nous le dit d’une façon très particulière, en une seule scène : Rachel veut apprendre à lire, aussi espionne-t-elle les leçons données aux enfants Ekins. Elle se fait cependant surprendre par son maître, et fait mine de s’en aller vaquer à ses taches ménagères. Il la somme d’attendre. La caméra se fige sur le visage de Rachel. Le décor autour d’elle est flou. On voit la silhouette floue du visage de M. Ekins derrière elle, à environ 30 centimètres. Elle ferme les yeux de résignation. Et la scène s’arrête là. Pas de violence, pas de scène de sexe abusive, rien d’autre qu’un sous entendu intelligent envers des spectateurs qu’on estime suffisamment sensés pour comprendre. Et nondidju, dans un paysage cinématographique où la violence est utilisée à tout bout de champ (merci Game of Thrones pour cela), où le sexe est normal et lui aussi souvent représenté de façon crue, un peu de douceur et de subtilité fait du bien.
                Et d’ailleurs, cette subtilité s’étend à toutes les relations amoureuses du film : on comprend très vite que Rachel est l’intérêt amoureux de Newton Knight, et pourtant, si nous les voyons parfois enlacés, cela n’ira jamais plus loin. Nous n’avons pas besoin de le voir pour le comprendre. Et cela donne d’autant plus de sens à leur relation qu’il ne s’agit pas d’une relation partagée avec le spectateur, mais bien de leur relation, à eux. Une relation que nous voyons fleurir comme leur entourage le voit. Bref, le film ne nous prend pas pour des idiots et préfère nous faire comprendre les choses que nous les hurler au visage, ce qui est très appréciable.
                Tout n’est pas rose néanmoins, et si le film surprend par sa subtilité (et par certains plans bien chiadés et très soignés, qui permettent de vraiment placer le spectateur dans la peau des personnages et dans leur univers), il fait aussi preuve d’une inconstance très étrange, presque choquante. Je vais prendre pour exemple la scène d’ouverture du film, qui est une manœuvre militaire des confédérés face à l’Union. Nous voyons une unité de fiers soldats (enfin, fiers pour la plupart, y’en a quand même clairement un ou deux qui font dans leur uniforme) gravir une colline pour arriver sur le théâtre des opérations. Ils montent l’obstacle, voient l’armée ennemie et… se font tirer dessus comme des lapins, en avançant tout droit, sans même accélérer.  On a droit à la totale des giclures de sang et autre crâne défoncés par l’impact des balles. Et là je me suis quand même dit « mais bordel de merde, quel est l’handicapé de général qui a pu demander une manœuvre pareille ?? ». Et quand je commence à me poser ce genre de question devant un film, ce n’est généralement pas bon signe. Et c’est la scène d’ouverture en plus! Heureusement, il se rattrape très vite. Ce qui d’ailleurs me fait penser que peut être que cette subtilité qui m’a plu est d’autant plus mise en avant par les gros trucs sales qui dépassent parfois de la mise en scène propre…

                Intéressons-nous maintenant au nerf du film : le message qu’il veut  faire passer. Je dois d’abord vous dire que j’ai, personnellement, été très inspiré par le contenu, donc je ne serais peut être pas d’une objectivité transcendante. Mais promis je vais faire un effort.
                Free State of Jones est globalement un film qui nous parle de la lutte des classes. En effet, il est question d’une partie de la population au niveau de vie bas se révoltant contre les nantis et les riches qui veulent soit les réduire en esclavage soit les envoyer se  battre à leur place (rapidement le film nous explique qu’il est possible pour les riches familles de dispenser leurs enfants de rejoindre l’armée, là où pendant ce temps, le neveu de Newt est enrôlé de force). Mais au-delà de ça, le film nous raconte la lutte pour l’égalité et la liberté sous toutes ses formes. Newton est fermement convaincu que tous les hommes naissent égaux et libres, et que chacun devrait pouvoir vivre comme il l’entend sans être redevable à qui que ce soit. Et si au début nous pensons qu’il s’agit là simplement du combat des habitants du comté de Jones opprimés par les mesures autoritaires imposées par une guerre qu’ils ne comprennent ni ne veulent (un schéma somme toute très classique), on se rend rapidement compte que cela va au-delà de leur simple combat : il est question de faire valoir la liberté de tous, pauvres comme riches, blancs comme noirs.  Deux choses sont en cela particulièrement révélatrices de ce postulat : le discours de milieu de film de Newton Knight, peu avant d’attaquer les forces du colonel du comté de Jones, et les préceptes de bases de l’Etat de Jones. Et je ne peux m’empêcher de vous les livrer, au moins en partie.
Le discours donne cela : 

-          Moses, es-tu nègre ?

-          Non, je ne le suis pas.  

-          Pourquoi ?

-          Car un nègre est la possession de quelqu’un. Et personne ne peut posséder les enfants de Dieu.

-          Alors qu’êtes-vous ?

-          Un homme libre, monsieur.
 

Ces simples phrases portent l’essence du message, de l’objectif de leur combat. Newton ne se bat pas pour lui, pour sa famille, pour ses voisins. Il se bat pour que chacun comprenne qu’il est inacceptable d’être exploité, véritable symbole bourru et hirsute de liberté inconditionnelle. Et alors que personne ne les traite comme des hommes, il s’acharne à considérer tout le monde de façon équitable. Il ne violente pas les blancs qui insultent ses camarades noirs, il se contente de leur expliquer l’inanité de leurs propos. Il ne perd jamais patience, excepté face à l’injustice. Et les préceptes qu’il annonce pour l’Etat Libre de Jones en sont la preuve :

  • Principe n°1 : aucun homme ne restera pauvre pour qu’un autre s’enrichisse.
  • Principe n°2 : aucun homme ne peut dire à un autre homme ce pourquoi il doit vivre ou ce pourquoi il doit mourir.
  • Principe n°3 : tout homme entretient et récolte pour son bénéfice ce qu’il sème, et nul autre ne peut lui enlever cela.
  •  Principe n°4 : tous les hommes sont des hommes. Si vous marchez sur vos jambes, vous êtes un homme.

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Il n’est plus juste question de race ou de richesse, uniquement d’égalité, cristallisant le combat de ces hommes comme étant le pinacle de tous les combats, Newton Knight se transformant en parangon des Droits de l’Homme, un symbole qui traverse l’Histoire. Et cela est d’autant plus mis en valeur par la forme du film, qui se veut documentaire, avec des zooms arrière sur la situation globale aux USA, puis un retour vers le détail avec les événements de Jones. Cette lutte ne s’inscrit donc plus juste dans la diégèse du film, mais bien dans l’Histoire avec un grand H, traversant les époques jusqu’à nous.
                Ou en tout cas c’est ce que je croyais avant la dernière partie du film, qui me pose un vrai problème.  En effet, une fois la guerre de sécession terminée, les blancs reprennent leur vie normale, pendant que tout le récit se focalise sur les persécutions envers les noirs, et toutes les difficultés, en dépit de l’interdiction de l’esclavage, pour obtenir une égalité des droits : même une fois que le droit de vote leur fut accordé, les menaces et les lynchages dissuadent les citoyens noirs de voter. Et les rares votes de ceux ayant eu le courage d’aller jusqu’aux urnes ne sont tout simplement pas comptabilisés. Et en effet, c’est tragique, et cela met en valeur les inégalités raciales dans le sud des Etats Unis, mais cela fait du même coup perdre toute la dimension épique et transcendantale du film, qui se retrouve à uniquement parler de racisme, là il aurait pu faire mieux.   
                Pire encore, il y a autre chose dont je ne vous ai pas parlé et qui, à mon sens, contribue encore à saloper le message. En parallèle de l’intrigue, on suit un procès, ayant lieu 85 ans après les événements de Jones et mettant en scène l’arrière-arrière-arrière petit fils de Newton. Il est blanc comme un cul, et s’est marié avec une rousse aux yeux verts, à la peau d’une pâleur digne d’une publicité pour le nouvel Omo. Seulement voilà : étant prétendument le fils de Newton Knight et de Rachel Knight (qui est quand même plutôt noire), il possède donc un 8eme de sang négre. Ce qui, dans le Mississipi, le fait rentrer dans la catégorie des noirs, ce qui rend son mariage illégal. On a donc droit à des scènes supplémentaires mettant en avant l’inanité des lois ségrégationnistes de l’époque, et l’importance de continuer le combat, même en 1950. Sauf que… bah on n’est plus en 1950 en fait, et ces lois ségrégationnistes ont été abolies depuis un moment à présent. Du coup, le coté transcendant du film en prend encore un coup dans le museau, puisque les travers montrés ne sont plus d’actualités. Et Newton Knight, alors qu’il était le symbole de la lutte égalitaire à travers le temps, n’est plus que l’icone de la lutte raciale de son époque, et uniquement de celle-ci. J’ajouterai même que la structure du film, à faire avancer le procès en même temps qu’on en apprend plus sur Newton Knight, aurait presque tendance à me faire croire qu’en fait, le vrai sujet du film, c’est le procès. Et que tout le reste ne sert qu’à expliquer les différents arguments des avocats.
                Du coup, le film ne transmet en fait qu’un message contre le racisme et pour l’égalité raciale. Ce qui est  déjà vachement bien cela dit, mais pour le même but, n’aurait-il pas été mieux de se baser dans un contexte, dans un monde plus proche du notre, pour que le parallèle avec notre société soit plus évident ? Alors qu’ici, comme tout se passe il y a plus de soixante ans… Bah on s’en fout en fait ! Le film, au lieu d’être un pamphlet contre le racisme et les inégalités des classes, est finalement juste un documentaire sur le racisme d’avant. Et c’est quand même bien dommage !

                Bon ceci étant dit, on reste quand même sur du film qu’il est bien à regarder. Un petit peu long, peut être, mais très poignant. Je vous conseille ardemment d’aller le voir, au moins pour vous faire votre propre idée, votre propre opinion.