Bonjour à
tous ! Ou plutôt bonsoir, car me connaissant, je publie sans doute cette
chronique vers 20h, pendant que vous mangez. Et bien bon appétit !
Profitez-en car ce soir, je vais vous régaler avec un petit film récent qu’il
est vraiment bien. Un bon film de science fiction comme je les aime. Car oui,
mes chers lecteurs, nous allons parler de Premier Contact, réalisé par Denis
Villeneuve, avec dans les rôles principaux Amy Adams, Jeremy Renner et Forest
Whitaker.
De quoi que ça parle-t-il donc ?
Les suppositoires, c'est plus ce que c'était... |
Notre héros
dans cette histoire sera le Docteur Louise Banks, expert en linguistique sous
toutes ses formes. Nous en savons somme toute assez peu sur elle, mais le film
ne nous laisse pas croire que sa vie est exceptionnelle : de la grisaille,
de la solitude, c’est tout ce qu’il nous montre. Giga teuf donc. Mais
heureusement (car sinon il n’y aurait pas de films) cela ne va pas durer, car
un jour, sans aucune explication, 12 objets volants non identifiés, en forme
de galet noir un peu étrange, apparaissent dans les espaces aériens de plusieurs
pays. Personne n’en sort, et les gouvernements en restreignent très vite
l’accès au public.
Bref, plus personne n’a plus aucune info
sur ces vaisseaux manifestement extra-terrestres. Exceptée notre héroïne, qui
va bien vite se retrouver missionnée en tant qu’experte linguistique pour
tenter de comprendre ce que ces visiteurs veulent. Elle se retrouve ainsi, en
compagnie de Ian Donnelly, éminent astro-physicien, à la tête d’une équipe de
chercheurs chargée de percer le secret du langage de ces êtres venus
d’ailleurs.
Et pour
cela, elle doit les rencontrer. Une rencontre qui dépasse tout ce qu’elle a pu
vivre. Imaginez-vous une grande salle rectangulaire de pierre noire, avec une
paroi semblable à du verre en son centre, qui la coupe en deux. Une partie est
occupée par l’équipe humaine, et l’autre est remplie d’une atmosphère brumeuse
blanche dans laquelle évolue deux extra-terrestres, qui sont rapidement
renommés heptapodes, à cause de leurs sept pattes.
Il va maintenant falloir à Ian et Louise
percer les secrets du langage des heptapodes afin de comprendre leurs
intentions. Le travail sera difficile car leur langue écrite fonctionne à base
de cercles complexes dont les reliefs expriment des idées, des mots, des
processus. Pour rendre la tâche plus difficile, la panique s’empare du reste du
monde : les émeutes se multiplient chez les populations effrayées, et la
répression se fait du plus en plus dure. En parallèle, des extrémistes
nationalistes prônent la guerre avec ses envahisseurs indésirables et
recommandent à tous de prendre les armes (promis Marine Lepen n’apparaît pas
dans ce film).
Le temps est compté pour Ian et Louise,
mais cette dernière va faire une découverte stupéfiante…
"Dit donc, c'est rudement épuré Ikéa maintenant!" |
Dont je
ne vous parlerai pas ! Car une fois n’est pas coutume, nous avons ici un
film dont le retournement de situation de fin de film donne un tout autre sens
à son histoire. Cela va même plus loin que ça, mais j’y reviendrai plus tard.
Mais alors, quoiqu’il faut
retenir de ce flim ?
Je
fais face ici, chers lecteurs, à un problème épineux. En effet, j’ai absolument
adoré ce film, mais je l’ai adoré à cause du même retournement de situation
dont je vous parle deux lignes au dessus. Sauf que je ne peux pas vous en
parler sans vous spoiler, et cela vous gâcherait le film. Je vais donc essayer
de partager avec vous les qualités de ce film, tout en omettant sa principale.
La première
chose que j’ai envie de mettre en avant, c’est l’aspect science fiction
conceptuelle qui est, pour une fois, bien exploitée. Ce que j’appelle l’aspect
science fiction conceptuelle, c’est le fait que le film parte d’un principe
spécifique et quasiment impossible dans la réalité, et déroule son histoire
pour imaginer ce qu’il se passerait. De nombreux exemples pavent le paysage
culturel de ces dernières décennies, notamment dans la littérature (je vous
conseille Frank Herbert et Ian Banks, c’est de bonne facture).
Au cinéma,
c’était un peu plus rare et pas forcément bien exploité pour des tas de
raisons. Je pense notamment à Edge of Tomorrow, dont j’avais trouvé le
concept excellent mais la fin trop édulcorée, probablement à cause de sa sortie
estivale. Je pense aussi à In Time dont j’avais aussi adoré le concept
de gens éternellement jeunes mais qui doivent gagner littéralement leur vie, en
payant et en gagnant du temps. Malheureusement le scénario était assez bas de
plafond et pas franchement novateur.
Heureusement,
ici nous avons un vrai bon film, qui part d’un principe très simple mais qui
s’avère très vite fouillé : si une race extra terrestre arrivait sur
Terre, comment ferions-nous pour communiquer avec eux ? Et derrière ce
concept se cache toute une réflexion sur le langage et la façon dont nous nous
comprenons. Un exemple du film représente bien toute la subtilité du langage et
de la communication que nous utilisons tous les jours : les humains
veulent pouvoir poser la question « quel est votre but sur
Terre ? » aux heptapodes. Cette simple question demande beaucoup de
nuances : d’abord il faut s’assurer que les heptapodes comprennent le sens
d’une question, et donc il faut trouver comment ils posent une question ;
il faut s’assurer que leur espèce est suffisamment consciente pour qu’ils
comprennent le sens du « but », donc que ce ne soit pas des êtres mués uniquement par l'instinct ; il faut s’assurer qu’ils aient
suffisamment d’individualité pour saisir la différence entre le
« vous » collectif et le « vous » personnel.
A tout cela
s’ajoute la possibilité que leur langage soit à ce point différent du notre
qu’ils ne saisissent pas le monde de la même façon que nous. Et cela s’applique
indirectement dans notre façon de discuter avec les gens, de converser,
d’échanger. Un autre exemple tiré du film permet de mettre en valeur ce
potentiel fossé dans les modes de communication : là où les USA ont
utilisé la langue écrite, les signes, les lettres pour communiquer avec les
heptapodes, la Chine a utilisé le jeu du Mah Jong. Ce qui signifie que toute
communication avec les extra-terrestres se fera dans le cadre d’une partie de
jeu, désignant forcément un gagnant et un perdant à la fin. La communication ne
peut être que compétitive, dans la confrontation. Et BAM! C'est comme ça qu'on prend conscience du barrage que peut représenter une langue par rapport à une autre, tout comme certaines tournures de phrases peuvent en dire long sur celui qui les utilise.
"Mais non putain, ma main est plus loin sur la gauche!" |
Je vais faire
une mention spéciale pour la mise en scène qui m’a vraiment marquée. Tout est
très recherché, dans les plans larges qui mettent en avant l’immensité du
vaisseau aux plans rapprochés pour suggérer la claustrophobie de son intérieur. La direction artistique est très symbolique avec des heptapodes
baignés de lumière blanche tandis que les humains restent dans l’ombre. Sans
cesse la musique et les plans de caméras jouent avec nos sensations, et des
petits éléments viennent détourner notre attention pour que le film nous
surprenne. C’est un très beau moment de cinéma. Par contre, je mettrai un très
gros bémol à l’écriture des personnages, qui passe vraiment à la trappe. On
ne sait somme toute pas grand-chose d’eux, on en parle très peu, et ils sont
globalement assez clichés : la chercheuse en linguistique solitaire mais
effrontée, le scientifique un peu rigolo et attachant mais qui comprend surtout
les math, l’agent de la CIA qui voit tout le monde comme un ennemi et est
perpétuellement en guerre dans sa tête… Seul le personnage de Forest Whitaker
semble être plus nuancé car il se dispense d’être un militaire bourrin pour
rester plus compréhensif, cherchant avant tout à comprendre ce qu’on lui
propose plutôt que de tout rejeter en bloc.
Bref, les
défauts du film sont somme toute mineurs, et de toute façon, dévoré par la
curiosité de percer enfin le mystère des heptapodes, il est très facile de les
oublier. Un film à aller voir rapidement car, même s’il prend un peu le
spectateur pour un con en se permettant allégrement d’utiliser les codes du
cinéma pour nous induire en erreur, il reste intelligent et magnifiquement bien
construit. J’aimerais bien vous en dire plus, mais je suis obligé de m’arrêter
sinon je vais tout vous spoiler. Retenez l'essentiel: ce film est excellent, et profitez des vacances de Noël pour aller le voir!