mercredi 30 novembre 2016

Mademoiselle



Une affiche qui ne présage PAS DU TOUT de la suite

Ah que coucou, chers et estimés lecteurs ! Une chronique sans doute un peu plus courte que d’habitude car je vous en prépare une autre dans la foulée (elle aussi plus courte) mais surtout un interlude littéraire qui s’annonce pas piqué des hannetons, c’est moi qui vous le dis. Donc autant vous dire que ça va défourailler dans les chaumières. Et oui, j’ai conscience que cette allocution n’a aucun sens. Et que ce n’est pas une allocution.
Sans transition, le film dont je vais vous parler ce soir est Mademoiselle, réalisé par Park Chan Wook, avec en rôles principaux Kim Min-Hee, Kim Tae-Ri et  Jung-Woo Ha. Il s’agit, vous l’aurez sans doute compris, d’un film sud-coréen qui ma foi vaut réellement le détour. J’étais pour ma part assez curieux, étant très peu habitué au cinéma asiatique au général. C’était un peu un test donc, et je ne le regrette pas !

De quoi que ça parle-t-il donc ?
                Mademoiselle se déroule dans les années 1930, époque à laquelle le Japon a commencé la colonisation de la Corée. Dans ce cadre fort peu reluisant pour les coréens, nous suivons la jeune domestique Sook-hee (merci Wikipédia pour l’orthographe des prénoms !), embauchée par la riche héritière japonaise Hideko. Hideko vit sous l’égide tyrannique de son oncle, un coréen qui est passionné de Japon et qui est globalement partant pour leur refiler tout le pays. Okay j’avoue, cette partie là du personnage de l’oncle est un peu floue. Mais d’un autre côté, elle est assez anecdotique. Du coup, j’en viens à me dire que j’aurais sans doute pu me dispenser d’en parler.
                Passons. Toujours est-il que cet oncle adore les livres. Notamment les livres rares. Et les livres qui parlent de sexe. Bref, c’est un collectionneur de livres pornographiques rares, et il en a une pleine bibliothèque. Mais genre une salle entière. En fait, imaginez un énorme salon avec pleins de rayonnages qui seraient intégralement remplis de 50 shades of grey. De quoi faire une attaque.
                Bon, et dans tout ce joyeux boxon, Sook-hee débarque au manoir en tant que femme de chambre d’Hideko. Sauf que c’est un piège : elle s’est en vérité alliée à un faussaire coréen qui cherche à récupérer l’héritage d’Hideko. Pour cela, il se fait passer pour un riche Comte japonais, afin de s’attirer les grâces de l’oncle. Lui reste donc à courtiser la demoiselle, et il compte sur Sook-hee pour l’aider dans cette tâche ardue.
                Mais c’était sans compter sur les sentiments que les deux femmes vont développer l’une sur l’autre. Plus le temps passe, et plus Sook-hee éprouve des difficultés à voir le Comte essayer de séduire Hideko, avec plus ou moins de réussites.
Joie de vivre, volupté et Bibimbap.
                L’amour qui se développe entre les deux femmes sera-t-il plus fort que l’irrésistible cupidité de Sook-hee et de son ami faussaire ? Et bien je ne vous le dirai pas. Mais c’est par égard pour vous : l’histoire de ce thriller est particulièrement prenante et surprend beaucoup par ses différents retournements. Pour tout vous dire, le film dure 2h50, et je ne m’en suis même pas rendu compte. Je me permets juste un petit avertissement : il y a pas mal de scènes de sexe lesbien tournées de façon très explicite, tendance Youpornienne. Alors à titre personnel, je m’en contrefous royalement, mais je comprends que ça puisse surprendre, et j’aime autant prévenir. Vous voilà donc prévenus. Ne me remerciez pas.


Ou alors juste un peu quand même.
Mais alors, quoiqu’il faut retenir de ce flim ?
                Pour le coup ce long métrage va me permettre de vous parler d’une chose que j’ai souvent occultée dans mes chroniques alors que je lui accorde une importance primordiale dans mes goûts cinématographiques.
Je vais passer rapidement sur la mise en scène et la photographie, qui sont impeccables. Le film est très beau à regarder et s’offre quelques plans ma foi fort poétiques. La mise en scène est efficace mais se permet quelques petites fioritures pas déplaisantes tout en restant économe sur ses effets. Bref, tout est dans la parcimonie et le dosage, ce qui permet au film d’être long sans qu’on s’en rende compte.
Mais ce qui fait véritablement la force du film, c’est son histoire, et sa narration. Je m’explique : le film se découpe en trois parties. Une première qui nous raconte l’histoire vue par Sook-hee, une seconde qui nous relate les événements tels que vus par Hideko (en remontant un peu plus loin dans le passé, soyons honnêtes), et une troisième qui fait office d’épilogue. Je ne vais pas vous en dire trop sur le contenu de ces parties, mais sachez que Park Chan Wook manipule très bien les informations qu’il donne au spectateur en fonction du point de vue. A la manière d’un Christopher Nolan, il se joue de nous en ne nous montrant que tout ou partie de la vérité, mettant à mal notre habitude d’avoir toutes les informations en main.
C’est donc pour moi l’occasion de vous parler de Nolan, qui est sans doute l’un de mes réalisateurs préférés. La particularité du cinéma de Nolan, c’est de jouer sur nos perceptions et sur nos habitudes de spectateurs pour nous fournir des informations au mieux incomplètes, au pire totalement fausses. Par exemple, dans Memento, il nous informe que le personnage a des troubles de la mémoire, et nous le fait suivre. Instinctivement nous imaginons que nous voyons les premiers pas du personnage, bien que beaucoup d’indices nous disent le contraire. Aussi nous tombons des nues lorsque nous nous rendons compte que toute notre vision du personnage et de ceux qui interagissent avec lui est totalement fausse : il n’a aucun souvenir d’eux et ils le manipulent complètement. Le même genre de ressort est utilisé dans Inception, quand le héros nous montre une toupie comme exemple de totem – l’objet permettant de savoir si l’on est dans un rêve ou non. Automatiquement, nous allons supposer qu’il s’agit de son totem, bien qu’il nous dise explicitement que ce n’est pas le cas. Et donc lorsque arrive la fameuse scène finale, empêchant de savoir si le Happy End que nous voyons est un rêve du héros ou la réalité, nous sommes évidemment frustrés de ne pas savoir ! Alors que la réponse est sous nos yeux.
Peut-être que si je fais semblant de pas le voir il va partir...
D’ailleurs, Inception est très intéressant d’un point de vue narration avec ses rêves et donc ses temporalités imbriqués les uns dans les autres. Il contribue réellement à casser nos habitudes de spectateurs, telles que la linéarité dans le déroulement des événements ou même concernant notre omniscience de spectateurs. Il nous épargne notamment toute utilisation de fusils de Tchekhov, chose qui, à titre personnel, me plaît beaucoup (je trouve le procédé beaucoup trop souvent utilisé).
Petit aparté pour expliquer ce qu’est un fusil de Tchekhov : il s’agit d’une règle – relativement ancienne – de cinéma qui dicte que « si un fusil apparaît à l’écran, il doit être utilisé à un moment dans le film ». Un exemple que j’aime bien : dans The Amazing Spiderman de Mark Webb, au début du film on visite les laboratoires d’Oscorp, et on découvre pas mal de choses. Notamment un fusil servant à assécher les réserves d’eau (je crois). Et bien sur, ce fusil sera au centre du plan machiavélique du Lézard pour détruire New York. Voilà, et personnellement je trouve ça dommage, parce que ça enlève tout effet de surprise. Mais c’est un avis personnel, on pourrait aussi détester voir un outil surpuissant apparaître de nulle part sans aucune raison.
Pour revenir au sujet de Nolan, il a aussi développé une théorie sur les films ou les œuvres de fiction en général qui me plait beaucoup. Il estime que toute œuvre de fiction repose sur trois piliers :
-          Son histoire, autrement dit les événements qui sont racontés
-          Sa narration, autrement dit la façon dont sont racontés les événements
-    Son ou ses personnages, autrement dit la façon dont ils interagissent avec les événements.
Il estime que ces trois piliers peuvent être indépendamment modulés par différents niveaux de complexité, qui vont conditionner la tenue du film. Par exemple, un film dans lequel les trois piliers sont simples sera un film globalement simpliste. C’est le cas de beaucoup de blockbusters par exemple. A l’inverse, un film dans lequel les trois piliers sont complexes court le risque d’être parfaitement incompréhensible pour la plupart des gens. Par contre désolé, je n’ai aucun exemple en tête pour ce type là… Je pense que c’est surtout quelque chose qui se retrouve dans les romans.
                De façon générale, Nolan estime qu’un bon film possède deux piliers simples et un pilier complexe. Par exemple, Inception possède des personnages simples, une histoire globalement simple une fois les règles du jeu comprises, mais une narration complexe avec ses différentes temporalités imbriquées. Memento possède un personnage simple, une narration simple car chronologique, mais une histoire complexe à cause du problème mémoriel du héros. Le prestige possède des personnages et une histoire simple (ce sont deux magiciens en compétition) mais une narration complexe de par la façon dont elle est racontée – en séparant les deux points de vue et en les faisant intervenir dans un ordre non chronologique, coupée de flashbacks. The Dark Knight possède une narration et une histoire simple mais des personnages complexes, tout en nuances, en folie et en contradictions.
                Néanmoins, je pense à titre personnel que cette méthode manque d’une composante importante : l’émotionnelle. Il manque comme paramètre à cette théorie ce qui est propre à toute production cinématographique : l’image, le son, la mise en scène. Je la trouve un peu trop rationnelle pour pouvoir véritablement juger toute forme de long métrage. Cela dit, elle reste un bon prisme pour orienter la géométrie globale d’une histoire. Un outil très pratique si vous vous destinez à raconter de la fiction, fusse-t-elle en image ou en écriture, que je vous conseille d’appliquer aussi souvent que possible. Ne perdez cependant pas de vue que les tripes comptent autant que le reste ! Surtout en ce qui concerne l’andouillette.

mercredi 23 novembre 2016

Moi, Daniel Blake




Camarades lecteurs, l’heure est grave. En effet, je ne sais absolument pas comment introduire cette chronique. J’hésitais entre vous faire croire qu’un cataclysme insignifiant avait touché mon foyer, ou vous arroser de ma fausse joie de vivre pour vous préparer à la migraine qui suit la lecture d’un de ces billets. Mais rien de tout ça ne me tente alors j’ai décidé de venir vers vous avec honnêteté et entièreté. Et croyez-moi, moi en entier, ça représente un sacré morcif.
Bon, on dirait que je ne m’en sors pas trop mal sur ce coup là. Pour revenir à l’essentiel, aujourd’hui je vais vous parler du film I, Daniel Blake de Ken Loach, avec Dave Johns et Hailey Squires dans les rôles principaux. Un film qui m’a énormément plu, aussi vais-je tenter de lui rendre justice par ma prose.

De quoi que ça parle-t-il donc ?
Comme son titre l’indique, I, Daniel Blake nous conte l’histoire de Daniel Blake – notez que jusque là, je ménage vos neurones –, menuisier de 59 ans qui, suite à une grave crise cardiaque, se voit interdire de travailler par son médecin. Privé de revenu, il demande donc une aide de l’état à destination des personnes déclarées médicalement inaptes au travail. Pour obtenir cette pension, il doit répondre à une série de question qui sert à déterminer s’il est réellement incapable de travailler. Sauf que le résultat de ce questionnaire le déclare inéligible pour recevoir cette aide sociale.
C'est fou comme les pauvres ressemblent à des gens normaux
Il essaye de faire appel mais pour cela il doit recevoir un coup de téléphone du décisionnaire, qu’il est censé recevoir avant de recevoir la lettre le déclarant inéligible pour la pension. Coup de téléphone qu’il n’a bien sur, jamais reçu, parce que sinon, ce serait trop facile. Le voici donc dans une situation assez ennuyeuse : il ne peut pas travailler car son médecin lui a interdit. Sauf que pour pouvoir recevoir ses allocations chômage, il doit activement chercher du travail, tout en sachant pertinemment qu’il ne pourra accepter aucune offre. Le tout en essayant de trouver un moyen de faire appel sur son inéligibilité à la pension d’invalidité. Pour couronner le tout, Daniel n’a jamais utilisé un ordinateur de sa vie, alors que la majeure partie des procédures à accomplir sont numériques de nos jours. Autant dire que c’est un joyeux merdier.
Dans sa quête désespérée de justice (et de revenus, parce que faut bien se nourrir), il va rencontrer Katie, jeune maman célibataire de deux enfants ayant du déménager de Londres pour venir vivre à Newcastle. Déménagement forcé, puisque c’était soit ça, soit elle continuait à loger dans un foyer d’hébergement. C'est-à-dire dans une seule pièce. Avec ses deux enfants. Là aussi une situation particulièrement enviable. Cela dit, commencez à vous y préparer psychologiquement, parce que vu comment s’annoncent les futures élections, y’en a un paquet à qui ça va arriver !
Se prenant d’affection pour la petite famille, Daniel va faire tout son possible pour les aider, tout en essayant de se débattre avec ses problèmes. Garder les enfants, effectuer autant de réparations que possible dans la maison, les accompagner à la banque alimentaire, Daniel va progressivement se muer en grand père de substitution pour les enfants, son cœur malade mais pourtant débordant de l’envie d’aider son prochain redonnant du baume au cœur à ceux qui l’entourent, malgré une situation très difficile. Et ce baume au cœur, nous autres spectateurs en avons bien besoin.
Mais alors, quoiqu’il faut retenir de ce flim ?
Je vais vous le dire tout de suite, ce film est déprimant. La fin notamment est d’une infinie tristesse, mais l’ensemble même du déroulement est particulièrement noir et cynique. Plus le temps  passe et plus la situation des personnages empire. A la lumière de cela, je pense que le film se veut la voix des laisser pour compte.
Dans notre vie, nous entendons souvent parler des riches nantis. Nous entendons souvent parler des sans abris, des migrants. Et la plupart d’entre nous estiment être quelque part entre les deux. Peut-être avons-nous l’arrogance de nous croire supérieur à la moyenne, parce que plus cultivé, plus lettré. Le fait même que vous me lisiez indique que vous ou vos parents ont suffisamment de revenus pour que vous ayez un ordinateur. I, Daniel Blake nous montre la vie de ces personnes qui n’ont pas grand-chose, mais suffisamment pour qu’on ne parle pas d’eux.
DANIEL BLAKE FOR THE WIIIIIN!!!
Le choix des personnages, même secondaires, est révélateur : il eut été facile de se contenter d’un homme proche de la retraite et d’une mère célibataire de deux enfants, deux cas qui, s’ils sont particulièrement marquants et attachants, restent relativement marginaux. Seule une fraction réduite du public va se sentir directement touchée, même si nous pouvons tous nous imaginer dans leur situation. Mais un autre personnage  a attiré mon attention : le jeune voisin de Daniel. On en sait finalement assez peu sur lui, hormis qu’il travaille dès qu’il peut dans un entrepôt. Plus précisément, son patron le fait venir à 6h du matin pour lui faire décharger un petit camion, ce qui lui prendra 45 min, et lui rapportera à peine plus de 3 livres. Et c’est tout. Une perte de temps pour lui. Alors il décide de faire autrement, et profite d’un de ses amis en Chine pour récupérer des baskets d’une grande marque à leur sortie d’usine, et          donc de les vendre directement, sans passer par le moindre intermédiaire.
Ces trois personnages représentent la faillite d’un système. Un système qui oblige un homme malade et incapable de travailler à perdre son temps dans la recherche d’un emploi inexistant et qu’il devra de toute façon refuser. Un système qui oblige une jeune mère à se priver pour ses enfants au point de presque s’évanouir, à voler à l’étalage des produits de première nécessité (des serviettes hygiéniques notamment) voire à se prostituer. Un système qui empêche des jeunes de trouver leur voie, trop rigide, et trop libre de faire ce qu’il veut d’eux tant il est le seul dispensaire d’un revenu dont ils ont besoin pour faire quoique ce soit. Un système qui traite les gens, non plus comme des personnes, mais comme des chiffres, des données dans un ordinateur. Un système personnifié ici par les membres du « job center » anglais.
Ces fonctionnaires sont d’une rigidité et d’un manque de compassion si flagrant qu’il en devient aberrant. Les conseillers ne comprennent pas qu’un homme puisse ne pas savoir se servir d’un ordinateur. Les conseillers refusent de déroger à leur système, même lorsqu’il est évidemment défaillant. Un aveuglement qui dépasse l’entendement alors que des sanctions sont appliquées à des personnes qui ont déjà à peine de quoi se nourrir.
Je vais me faire l’avocat du diable un instant et modérer mon propos : je ne reproche pas à ces fonctionnaires de faire partie du système. Je préfère qu’il existe un système imparfait plutôt qu’il n’en existe pas du tout. De même, je comprends qu’il leur soit interdit d’entrer de façon plus personnelle dans les problèmes des gens, car un tel système se doit d’être équitable. Pas juste, pas égalitaire, mais équitable. Tout le monde doit être traité de la même façon. En revanche, je suis prompt à leur reprocher leur aveuglement et leur application stupide et non raisonnée de toutes les règles, sans le moindre discernement. Je suis prompt à reprocher le manque d’écoute et le manque de réflexion dans leur travail. Comment un homme peut se retrouver dans une situation où il doit chercher un travail qu’il ne peut pas médicalement accepter ? Pourquoi avoir besoin d’attendre un coup de téléphone pour faire appel sachant qu’il a déjà reçu le courrier qui devrait pouvoir lui permettre de le faire ?
Mais puisque je vous dis que j'ai plus de sous pour bouffer!!
Vous comprendrez bien vite que je suis sorti particulièrement remonté de ce film. Cela m’a fait notamment réfléchir à notre environnement politique. Je me suis toujours targué d’être profondément apolitique, refusant de me retrouver avec l’étiquette de l’un ou l’autre parti sur le front. Cette conviction s’est renforcée ces derniers temps lorsque je me retrouve confronté à l’échec de notre système politique. Mes conclusions et observations ne sont pas très originales, je le crains. Nos dirigeants n’ont plus aucune conscience du quotidien de leurs administrés, pour la simple raison qu’ils n’ont sans doute jamais connu ce quotidien. Car leur métier, c’est la politique. Leur gagne pain, c’est nos votes. Comme un grand concours de popularité, mais dont les gagnants se voient remis un salaire et de multiples avantages. En plus de gérer nos vies comme bon leur semble.
Sauf qu’aujourd’hui, nous nous rendons bien compte que cela ne fonctionne pas. Alors oui, la situation en France n’est pas catastrophique. Peut être pouvons nous tenir encore un peu. Peut-être pouvons-nous voter pour des candidats anti système. Mais existent-ils ces candidats ? Est-ce Marine Lepen, maîtresse officieuse de la fachosphère française, riche héritière millionnaire ?  Ou alors Jean Luc Mélenchon, fringant et teigneux représentant de ce qui reste de l’extrême gauche, politicien depuis si longtemps qu’on ne voit pas bien pourquoi il irait tout bousculer ? Ou encore Emmanuel Macron, rejeton des banques Rothschild et Goldmann Sachs ?  
Et puis au fond, pourquoi ? Avons-nous vraiment besoin de ces hommes ? Devons-nous vraiment compter sur des hommes qui font le strict opposé de ce pourquoi ils sont élus ? Devons-nous vraiment faire reposer notre vie sur des hommes qui n’ont même pas la décence de se rendre à l’Assemblée pour voter des lois alors qu’ils sont payés plusieurs milliers d’euros pour cela – Fillon, c’est toi que je regarde, sors de dessous ton pupitre ?
Par extension, avons-nous besoin de ces politiques d’austérité dans nos pays ? Le constat est simple : depuis que c’est la crise, le chômage augmente, les prix augmentent, et les banques responsables de ces crises (qui surviennent tous les 10 ans depuis 1983, rappelons-le) s’en sortent en tout impunité ou quasi. Bon. Donc on met des politiques d’austérité en place. Et…. Bah ça marche pas, vu que le chômage continue d’augmenter, tout comme la pauvreté et la dette. C’est le cas chez nous, et on a un autre exemple avec la Grèce, qui va pas tarder à atteindre le fond du trou de la pauvreté à force de faire des coupes de budget un peu partout. Du coup, tout le monde est pauvre, personne ne consomme, personne n’achète, et l’économie se casse la gueule. Du coup, on fait quoi ?
Vous vous en doutez, y’a peut-être une solution idiote : si l’austérité ne marche pas, sans doute que c’est pas ça qu’il faut faire. Et j’ai envie de dire, y’en a qui ont essayé. Bah figurez-vous qu’ils n’ont pas eu de problèmes.  Je vous explique.
Il s’agit du Brésil, sous la houlette de Luiz Inacio Lula da Silva. En gros, le monsieur s’est retrouvé aux commandes d’un pays salement dans la merde après la crise de 2000 (éclatement de la bulle internet). Du coup, plutôt que de faire des politiques d’austérité comme tout le monde, il a récupéré des aides financières du FMI, et il a fait strictement le contraire de ce que ce même FMI lui suggérait.
En résumé, il a balancé moultes aides financières  aux ménages pauvres pour doper leur consommation (et les empêcher de crever de faim, il s’agissait des programmes Fome Zero et Bolsa Familia). Il a aussi investi plusieurs centaines de milliards de dollars dans des grands travaux pour faire bosser les entreprises brésiliennes. En parallèle, il a aussi mis en place beaucoup de taxes douanières sur les produits non brésiliens, afin d’éviter que la consommation dopée des ménages brésiliens ne profitent à des sociétés extérieurs venant vendre leurs produits à prix cassé au Brésil.
ça c'est moi après le film: épuisé par tant de qualité
Résultat des courses, le pays a pu rembourser le FMI deux ans plus tôt que prévu. Pour info, y’a un autre mec qui a fait ça durant l’histoire, c’était Franklin Roosevelt, en 1929 après le grand krach boursier. Je pense que la puissance des USA dans les décennies suivantes prouve que le mec avait sans doute raison. Mais d’un autre côté, c’est presque logique : quand votre voiture commence à manquer de carburant, vous ne ralentissez pas l’allure, allant de plus en plus lentement jusqu’à la panne sèche non ? Vous rajoutez du carburant. Bah le même raisonnement est appliqué ici : si l’économie va mal, il faut y injecter de l’argent pour relancer la consommation, tout en empêchant le voisin de venir piquer cet argent que vous avez injecté. Comme ça, votre pays repart, et vous épongez vos dettes. En résumé, on fait des réserves en périodes de vaches grasses, et on mange ces réserves en période de vaches maigres.
 Bref, autant dire que plus le temps passe et plus j’entrevois des solutions différentes de celles que nous proposent nos hommes politiques de tout poils. Et si je vous parle de ça maintenant, c’est parce qu’en plus de montrer la faillite d’un système, il montre aussi ce que peuvent faire des personnes avec un peu d’aide, un peu de bonté, un peu de chaleur.
Daniel Blake nous montre la voie dans ce film, la voie de l’action solidaire, de l’action citoyenne. Il aime son prochain, et fait son possible pour l’aider. Il vient en aide à la pauvre Katie. Il aide son voisin quand il le peut. Il est ouvert sur le monde, sur l’autre. Et peut-être devrions-nous tous prendre exemple sur lui. Peut-être devrions-nous cesser de fermer les yeux sur la misère qui nous entoure.
 Alors vous autres, lecteurs, je vous enjoins à essayer. Lorsqu’un sans abri vous arrête, venez-lui en aide si vous le pouvez. Soutenez les projets de vos amis, des amis de vos amis. Participez à des kickstarters, aidez à financer des artistes indépendants. Engagez-vous dans la vie associative, dans des associations qui aident les plus démunis, des associations qui cherchent à limiter les dégâts sociaux et humanitaires des politiques d’austérité (je vous conseille ATD Quart Monde). Répandez vos connaissances chez ceux qui ne les ont pas, et recueillez leurs expériences, leurs histoires, leurs savoirs. Profitez d’internet, ce média encore un peu libre, pour diffuser vos idées nouvelles, vos idées innovantes. Intéressez-vous à ce collègue de bureau qui semble moins joyeux que d’habitude. En clair : cessons de compter sur les autres pour faire un monde meilleur ; fabriquons le nous-mêmes. Le changement, c’est peut-être pas maintenant, mais s’il doit arriver, ce sera par nous.

dimanche 20 novembre 2016

Docteur Strange




Bonjour/Bonsoir/Salut/Mes hommages, chers lecteurs (barrez la mention que vous aimez le moins. Avec un marqueur indélébile. Sur votre écran. Si si, faites-le, je vous assure). J’espère que vous allez bien, car moi, je vais pas trop mal. Pas bien, pas mal, bref je suis dans un état de « j’en n’ai plus rien à foutre » qui me rend tout guilleret. Ce qui du coup me fait sortir de cet état de « j’en n’ai plus rien à foutre », puis y rerentrer pour rester guilleret. Je suis donc d’humeur quantique.
Mais surtout, à l’aube des élections américaines (qui auront sans doute déjà lieu quand je posterai ce machin), je m’interroge sur les petites choses qui font l’identité des USA. Les hamburgers, les fast food, les séries TV, les films hollywoodiens, les hommes politiques qu’on se demande comment des gens peuvent voter pour eux – encore que de ce point de vue là, on est plutôt balèze par chez nous, hein Les Républicains ? –, ou même la télé poubelle – ouais bon okay, j’avoue, nous on a Cyril Hanouna, on est peut-être devenus meilleurs qu’eux.
Un homme... déterminé!
        Un tas de bonnes choses en somme ! Mais dans la catégorie des trucs cools – ou en tout cas des choses que j’aime bien – il y a aussi les comics ! Ah, les comics. Ces bandes dessinées au style si atypique, aux multiples héros et aux réécritures incessantes de leurs histoires… vous l’aurez compris, j’adore les comics ! Mais malheureusement, cette chronique s’appelle Cinéophyte, et non Comicophyte (ce qui sonne beaucoup moins bien), donc nous n’allons pas en parler. Ou juste un peu, puisqu’il est question du dernier film accouché par Marvel Studios, Docteur Strange avec en rôle principal Benedict Cumberbatch.

De quoi que ça parle-t-il donc ?
 Je vous l’annonce, je n’ai strictement aucune envie de vous parler de ce film. Par contre il a un avantage certain : il va me permettre de vous étaler ma science comme rarement. En effet, certains d’entre vous ont peut-être entendu parler de la théorie du monomythe.
Cette théorie a été développée dans les années 40 par l’anthropologue Joseph Campbell, qui était aussi professeur, écrivain et mythologue. Ce qui ne veut pas dire qu’il étudiait les mensonges, mais les mythologies. Encore que je veuille bien admettre que les deux se recoupent. Cette théorie, exposée dans son ouvrage Le Héros aux mille et un visages, a pour but de donner une structure qui est selon lui utilisée dans la totalité des mythologies issues de cultures diverses et variées.
Mais quel rapport avec le cinéma ? Et quel rapport avec ce film ? Déjà, sachez que cette théorie a été utilisée pour inspirer plusieurs scénarios de longs métrages ou même d’autres récits. C’est souvent le concept de base de tous les mangas de type Shonen, mais aussi des romans/films d’aventures. Georges Lucas a déclaré s’en être inspiré pour écrire la première trilogie Star Wars. Quant au rapport avec ce film, c’est simplement parce que je me suis dit en le regardant qu’il ressemblait à la quasi-totalité des films détaillant l’origine de certains super héros – je vais appeler ça des Origin Stories à partir de maintenant.
Je vais donc vous livrer, en me basant sur Docteur Strange les différentes étapes de la Mono-Origin Story, là comme ça, tout de go, devant vos yeux ébahis.
1.       Présentation de la vie du héros en tant que personne normale (et de son intérêt amoureux)
2.       Suite à un événement inattendu, le héros obtient ses pouvoirs ou part à la recherche de ceux-ci
3.       On fait la connaissance de son mentor par la même occasion.
4.       Le héros apprend à utiliser ses pouvoirs via un voyage initiatique quelconque (il peut ne pas aller très loin comme traverser la moitié du monde)
5.       Le grand méchant fait son apparition.
6.       Le grand méchant colle une première branlée au héros (et à ses éventuels potes)
7.       Le mentor du héros meurt.
8.       Le héros trouve la force après une introspection sur l’intérieur de lui-même
9.       La situation devient encore plus désespérée qu’avant parce que le méchant est à pas grand-chose de mener à bien son plan machiavélique ou de tuer l’intérêt amoureux du héros.
10.   Le héros trouve une solution pour vaincre le méchant.
11.   Le héros revient à une vie normale sauf que c’est devenu un super héros, donc il a plein de responsabilités et tout plein de raison de continuer à protéger le monde entier/sa meuf/sa ville/sa cheutron.
Que voulez-vous? J'ai la classe, c'est comme ça!

Notez qu’on n’est pas trop regardant sur l’ordre dans lequel se déroule certaines étapes, genre la mort du mentor peut avoir lieu durant le premier affrontement avec le méchant, ou carrément avant. Le voyage initiatique peut avoir lieu avant ou après avoir eu les pouvoirs, voire un peu avant et un peu après. C’est relativement souple, mais pas trop. Faites le teste, quasiment toutes les Origin Stories de Marvel rentrent dans ce moule.
Vous l’aurez compris, je n’ai pas spécialement aimé le film. Je ne l’ai pas vraiment détesté non plus cela dit. Je le trouve assez quelconque, et il ne m’a jamais fait vibrer. J’avoue cependant que le personnage du Docteur Strange ne m’a jamais intéressé, ce qui doit contribuer à mon manque d’engouement. J’admets aussi que la plupart des effets visuels sont super classes, et que y’a quelques moment assez étranges qui jouent pas mal avec les perceptions des spectateurs, même si je trouve que d’autres sont hyper kitsch et franchement dispensables. Notamment lorsque l’Ancien envoie notre bon vieux docteur dans l’espace/le multivers/le cosmos pour lui montrer que… Bah je sais pas trop en fait. Y’avait des fractales partout, j’avais l’impression d’être dans le cauchemar d’un mathématicien. M’enfin, je me dis que ça aurait pu être pire, elle aurait pu l’envoyer dans un monde où Marine Lepen ET Donald Trump sont présidents conjointement. Brrr, j’en frissonne rien qu’à l’imaginer.

Mais alors, quoiqu’il faut retenir de ce flim ?
                Je vous le dit sans ambages, il m’a été difficile de me persuader que je devais écrire une critique sur ce film, car il n’y a pas grand-chose en substance dedans. Il ressemble vraiment à tous les autres films de super héros qui décrivent la genèse de leur personnage. Sauf qu’en y réfléchissant, je me suis rendu compte que les studios Marvel n’avaient pas forcément le choix, et la chose me turlupine. Elle me turlupine tellement que j’en viens à utiliser le mot « turlupiner ». C’est dire à quel point je suis perturbé.
                Pour être plus clair – et vous avouerez que là ça devient nécessaire – j’ai l’impression que les studios Marvel opèrent un virage important dans le paysage cinématographique, le bouleversant sans jamais vraiment en avoir l’air. Car, derrière des films stéréotypés et très ressemblants les uns les autres, se cache un univers cohérent, semblable à leur support d’origine, le comics. Or, jusqu’ici, et à quelques exceptions notables, la très grande majorité des films étaient conçues pour être un tout. Ils comportaient un début, un milieu, une fin, formant une histoire complète. Il n’est pas nécessaire de regarder tous les films de Tarantino pour apprécier Reservoir Dogs par exemple. Memento de Christopher Nolan se suffit à lui-même.
Sois honnête: on est paumé, pas vrai?
                Et il y a pour moi deux raisons à cela. La première vient de la nature même du cinéma, qui n’est pas un bien de grande consommation. Ou en tout cas qui ne l’était pas. Dans ces conditions, il est impensable de proposer au spectateur qui va dépenser quelques deniers dans un ticket un film inachevé, ou nécessitant qu’il en achète un deuxième, plus tard. La seconde est la contrainte économique : impossible de prévoir à l’avance si un film va plaire. Autrement dit, prévoir qu’un film tienne en deux opus revient à encourir le risque que le deuxième ne voit jamais le jour, faute de succès pour le premier.
                Les Studios Marvel ont ça de beau que ces deux obstacles n’en sont plus vraiment pour eux, tellement ils récupèrent de pognon. Ils peuvent même se permettre de faire des films ayant pour seul et unique but d’introduire un personnage important dans leur univers cinématographique. Car ne nous voilons pas la face : Docteur Strange n’a vu le jour que parce qu’ils avaient besoin d’introduire le mysticisme du personnage dans leur univers et que le faire au détour d’un autre film, c’est quand même le meilleur moyen de se casser la gueule. Un peu comme si un homme politique se disait grand supporters des femmes tout en se vantant de les attraper par les organes géniaux. Oh wait…
                Je reviens sur un truc que je viens de dire au détour d’une phrase : univers cinématographique. C’est quand même quelque chose d’un peu exceptionnel quelque part : on ne parle plus d’une diégèse propre à un film, mais partagée par des dizaines, tous réunis autour d’un même univers. Quelque part c’est déjà un sacré pied de nez à l’autosuffisance des films traditionnels. Cela met aussi en avant un excellent travail d’adaptation de l’univers des comics et ses multiples bifurcations et croisements entre les lignes temporelles et les histoires. Une transcription fidèle tout en apportant son lot de petits changements propres aux réécritures de comics qui font quand même vachement plaisir au fan de Spiderman qui sommeille en moi. Même si Spiderman est quand même le mouton noir des super héros, avec ses multiples reboot. A croire que Peter Parker est aussi poissard au cinéma que dans la vraie vie. Mais passons.
                Tout ça pour dire que le succès des films Marvel est tel qu’ils sont capables de rentabiliser à peu près n’importe quoi, en dépit des moyens exceptionnels mis en jeu. Et étrangement, cela signifie qu’on devrait voir naître des films aux structures plus atypiques, plus originales, avec des traitements scénaristiques et des personnages inattendus. Mais en fait non, et ce genre de truc reste assez marginal dans le cinéma grand public. Mais alors pourquoi ? Parce que le cinéma grand public, c’est une formidable machine qui transforme du spectacle et des émotions en pognon – je pense que je ne vous apprends rien ici. Au point que pour mesurer le succès d’un film, on mesure non seulement le nombre de places vendues, mais aussi son retour sur investissement. C’est comme ça que je peux vous dire que Paranormal Activity est l’un des films les plus rentables de l’histoire car il n’a couté que 13 000$, et en a engrangé près de 200 millions. Soit quand même 20 000 fois plus. Et presque autant que Lone Ranger, qui lui avait couté 215 millions de dollars.
                Du coup, comme la machine a besoin que les gens aillent voir le film, il faut faire un truc que tout le monde va apprécier. Et qu’on le veuille ou non, l’innovation ne plait pas à tout le monde. Un film qui fait réfléchir sur son format ou sur la vie en générale, ça plait à une certaine tranche de spectateurs, mais pas à celle qui veut simplement s’aérer la tête et se divertir. Et cette tranche de spectateurs, elle regroupe quand même énormément de gens, puisque tout le monde en fait partie – ouais ouais, même moi avec mes discours alambiqués et mes réflexions à la mord-moi-le-nœud. Donc je me mets à la place des studios : ils filent plein de fric pour réaliser un  film, et bien sur ils veulent un retour sur investissement. Donc il est normal pour eux de vouloir à tout prix que ce film plaise au plus grand nombre.
                Ce faisant, ils transforment le cinéma en bien de grande consommation, puisque ces films à budget démentiels doivent avoir un succès au diapason s’ils veulent perdurer. Notez que je parle des Marvel, mais que cela reste vrai pour tout autre blockbuster. Car pour rentabiliser des films aussi chers, il faut que les gens aillent consommer ce film. Donc, pour tout bien de consommation, il faut pousser le client… pardon, le spectateur, à entrer dans les salles obscures et à acheter les DVD. Mais pour ça, cela signifie aussi fournir régulièrement de nouveaux films. Et pour cela, comme dans l’industrie, on fait l’impasse sur ce qui semble superflu et on met le paquet sur la fonction primaire du produit. Donc scénario simple, tiré des comics, et des effets spéciaux/scènes d’action badass et jouissives un peu partout. Et si on peut caler des stars célèbres en prime, on n’hésite pas.
                J’ai l’air cynique là comme ça mais entendons-nous bien : je ne dénigre en aucun cas cette façon de concevoir des films. A vrai dire, j’estime que c’est une méthode comme une autre, qui demande de faire des choix. Et ces choix ne sont pas foncièrement mauvais, qu’on soit clair là-dessus. De même, je ne dénigre pas les gens qui veulent aller au ciné sans se prendre la tête.
                En revanche, ce modèle de cinéma, même si je l’apprécie énormément, me cause deux inquiétudes. La première désigne l’avenir du paysage cinématographique. En effet, je suis assez dubitatif concernant le cinéma en tant que produit de grande consommation – et à partir de maintenant je vais dire PGC, parce que j’en ai marre d’écrire cette expression – car je pense que l’on risque de perdre en variété. Déjà, depuis 15 ans que Marvel fait des films qui marchent, le modèle du blockbuster est en explosion, avec des films qui coutent de plus en plus chers, tout en restant très stéréotypés. Si les blockbusters sont les films qui rapportent le plus, il est donc beaucoup plus facile de se tourner vers ce genre de film si l’on veut gagner de l’argent. Donc les blockbusters se multiplient, au détriment du reste, qui subsiste marginalement. Je crains donc une certaine uniformisation des œuvres cinématographiques.
Allez, à 3, on saute! 1, 2 ...
                Mais encore au-delà de ça, j’ai peur que le modèle s’effondre sur lui-même. En effet, le comics, c’est quand même un phénomène de niche, réservé à une certaine tranche de la population. Alors certes, c’est une tranche grossissante grâce aux films, films eux-mêmes alimentés par cette communauté de fan – dont je fais évidemment partie. Mais ce modèle a deux problèmes selon moi (ça vaut ce que ça vaut donc) : le premier est un risque de lassitude du public. Les comics n’ont jamais forcément plu au grand public, j’ai du mal à croire que cela changera drastiquement et durablement. Disons qu’ils sont tout de même plus acceptés. Mais ces dernières années, c’est une déferlante de films de super héros qui sont sortis, au rythme effréné d’un par mois ou presque. Même si cela s’est très nettement calmé, il risque d’y avoir un trop plein faisant partir une bonne partie du public, et laissant uniquement une base de fans fidèles pour maintenir l’industrie en vie. Ce qui ne me semble pas suffisant.
                En plus de cela, cela met en avant un problème qui est récurrent dans le milieu geek : la consanguinité. Si on se base sur l’hypothèse que les responsables du succès des films de comics sont cette communauté de fan, communauté qui a su accueillir de nouveaux membres, mais dont d’autres risquent de partir à cause du trop plein nommé précédemment, alors on se retrouve dans un milieu fermé et difficilement accessible. Déjà qu’en tant que tel, il est très difficile de suivre toutes les histoires de comics, mais si l’univers cinématographique devient similaire, il court droit à la catastrophe. Et pour soutenir mon propos, prenons le futur Avengers 3, qui va donc nous parler des pierres d’infinité. Sauf que du coup, pour saisir pleinement l’ampleur du scénario, il faudra avoir vu les deux précédents Avengers, bien sur, mais aussi Thor 2 et 3, les Gardiens de la Galaxie 1 et 2, Iron Man 3, Captain America 3 qui nécessite d’avoir vu le 2, etc… Bref, on commence à avoir un million de pré-requis pour pouvoir apprécier totalement un malheureux film. Et même déjà là, franchement j’ai fait le test, je suis allé voir presque tous mes films de super héros avec des gens qui n’y connaissaient presque rien, mais qui avaient quand même vu quasiment tous les films. Je passe tranquillement une demi-heure après chacun d’entre eux pour expliquer les différentes références et intrications entre les personnages qui existent en dehors du long métrage qu’on vient de visionner.
                Autant dire que dans mon pessimisme, je subodore que l’industrie des films de super héros finisse par se casser la gueule modèle géant, et que ça ne lui fasse pas du bien. Je nuancerai tout de même mon propos : cela fait plusieurs années que pas mal de gens pressentent la fin des blockbusters, qui reposent sur un équilibre trop précaire au vu de leurs budgets colossaux. Sauf que cette fin n’est toujours pas arrivée. De plus, cela suggère aussi que l’industrie du cinéma ne saura pas s’adapter à temps au potentiel virage culturel. Ce dont je doute fortement, quand on regarde ce à quoi elle a su réagir. D’autant plus pour les studios Marvel, qui ont suffisamment de puissance pour aller un peu où ils veulent. Donc ne nous emportons pas.
                Je terminerai en revenant sur la consanguinité du milieu des comics, et du milieu geek en général. Il m’a un jour été dit par quelqu’un de très nettement plus intelligent que moi (quoique tout aussi geek) que ce cercle culturel était très refermé sur lui-même. Nous nous intéressons à beaucoup de choses, mais sans jamais vraiment sortir de notre zone de confort, ou de façon très marginale. Je vous transmets donc un bon mot: ouvrons-nous au monde. Pas dans le sens où il faut savoir parler avec les gens, je pense qu’on est capable de cela, mais ouvrons-nous à d’autres références que les nôtres, aussi riches soient-elles. Le milieu geek a lui aussi besoin de fraicheur et de renouveau. N’hésitez pas à discuter avec celui ou celle que vous prenez pour un idiot écervelé uniquement intéressé par la mode et le shopping. Ecoutez de la musique dont vous n’avez pas l’habitude. Allez voir une expo d’artistes inconnus, ou même de choses mainstream. Il y a très certainement des choses à en tirer. Bon allez, je vous laisse réfléchir à cela, moi je vais retourner baver sur les premières images de Spiderman : Homecoming. C’est mon petit rituel du soir depuis qu’elles ont fuitées.